dimanche 28 décembre 2014

Phnom Penh

Sur la route vers Phnom Penh
Les enfants qui font du cerf-volant
Le paysan qui baigne son buffle
Un exemple d'habitation
Une vieille dame au bord du Mékong
Les boeufs qui remontent de leur bain

Nous arrivons donc à Phnom Penh en début d'après-midi. Nous sommes dans la capitale du Cambodge qui compte 1,5 millions d'habitants. En avril 1975, près de 2,5 millions de personnes y vivaient mais elle a été intégralement évacuée par les Khmers rouges. Sous prétexte de risque de bombardements américains, le régime déporta arbitrairement la population vers les campagnes du pays afin de mettre en place la collectivisation des terres et pour relancer l'agriculture. Cela coûtera la vie à plusieurs centaines de milliers de personnes et laissera la ville déserte.

Photo de l'exode
Une fois les sacs à dos débarqués sur le quai et après avoir négocié le prix de la course (il faut tout marchander ici), un tuk-tuk nous amène dans la rue des hôtels pas trop chers. Nous en choisissons un effectivement pas cher mais qui s'avère finalement pas très propre, sans climatisation et sans eau chaude... pour une nuit, cela passe mais nous sommes contents de ne pas y rester plus longtemps. 

Si au Vietnam, il y a de nombreux taxis et moto-taxis, ici, il semble que les tuk-tuks soient les plus fréquents. Pour vous donner une idée, c'est une carriole où l'on peut monter jusqu'à 4 personnes, tirée par un scooter. C'est assez confortable et plus économique qu'un taxi. 

Pour profiter de notre après-midi, nous décidons de prendre un nouveau tuk-tuk pour nous rendre au musée du crime génocidaire dans l'ancienne prison Tuol Sleng ("colline empoisonnée" en Khmer), surnommée par les Khmers rouges S-21. Les bâtiments furent construits par les Français pour en faire un lycée mais, en avril 1975, elle devint l'une des 190 prisons de la police politique du régime de Pol Pot (la "Santébal"). 

Il y a trois bâtiments principaux entourant l'ancienne cours de récréation et dans laquelle un grand panneau rappelle les directives du camp.

Le premier bâtiment, qui servait à la torture
Le second bâtiment qui servait de cellule
On y trouve également une potence où les prisonniers étaient suspendus par les bras jusqu'à l'évanouissement puis ranimés à l'aide de l'eau croupie d'une des jarres situées au pied de la potence, avant d'être à nouveau suspendus...

La potence
La torture fut systématique ici où, quand un prisonnier arrivait, il était nécessairement coupable. Une devise du Parti affirmait : "Il vaut mieux tuer un innocent que de garder en vie un ennemi". Ainsi, il faut d'avantage voir cette prison comme un centre d'interrogatoire plutôt que comme un lieu de détention en attente d'un jugement. Le seul but était de faire avouer aux détenus leurs fautes, réelles ou imaginaires. Les détenus étaient aussi bien des ouvriers que des ingénieurs, des professeurs que des cadres du parti, souvent Cambodgiens mais aussi parfois des étrangers. 

Les archives de la prison ont été quasiment intégralement retrouvées avec chacune des photos des incarcérés. C'est dans les salles du rez-de-chaussée que ces clichés sont exposés. Au-dessus de l'entrée, un panneau invite au silence mais il est superflu tant l'atmopshère n'invite pas aux bavardages. 
L'on découvre à travers ces photos que si la majorité des prisonniers étaient des hommes majeurs, il y eu aussi des femmes et des enfants, parfois très jeunes. C'était quelques fois des familles entières qui étaient emprisonnées ici. Les rations de nourriture (riz bouilli deux fois par jour et pas d'eau durant la journée) étaient les mêmes, les femmes avec un enfant n'était pas mieux loties. 
Sur les 16 000 prisonniers (dont 2 000 enfants), seul 7 furent retrouvés vivants lors de la libération de la prison par les Vietnamiens en janvier 1979. Les 40 autres furent retrouvés sur leur lit de mort dans les cellules du premier batiment, où sont exposées des photos tels qu'ils ont été découverts. Les prisonniers survivaient en moyenne 3 mois ici avant d'être exécutés au camp d'extermination de Choeung Ek, à 15 km de la capitale. 80 charniers y ont été mis à jour regroupant les ossements de 9 000 personnes. 

L'un des bâtiments a été conservé en l'état. Il est recouvert de barbelés (pour éviter les suicides). 


Au rez-de-chaussée se trouvent les cellules "individuelles" construites en briques, au premier celles construites en bois et au 2e étage les cellules collectives. Les cellules dites "individuelles" mesuraient 1,5 m² et pouvaient contenir jusqu'à 3 prisonniers.

Cellules du rez-de-chaussée. Les murs des anciennes salles de classe avaient été percés pour la surveillance des cellules
Les cellules du premier étage (en bois)
Les boîtes de munitions servaient de pot de chambre. Les tableaux noirs des anciennes salles de classe ont été conservés pour y inscrire les commandements dans le camp... l'effet est saisissant.

Ancien tableau, avec des règles telles que "vous ne devez pas parler"...

Dans les salles d'interrogatoire (comprendre de torture), des lits métalliques sans matelas sont encore présents. Le prisonnier y était attaché directement sur le métal et le lit électrifié. 

Dans l'un des bâtiments, nous pouvons lire la biographie détaillée de certains prisonniers, leurs interrogatoires et les raisons de leur incarcération. Les archives du régime étaient remarquablement précises et minutieuses. La majorité des condamnations étaient pour des raisons d'espionnage (pour la CIA ou le KGB) ou d'ennemi du régime (des capitalistes ou impérialistes), quand bien même ces gens appartenaient aux Khmers rouges... Les intellectuels étaient persécutés et beaucoup se retrouvèrent emprisonnés. Le simple fait de porter des lunettes pouvait suffire à vous faire considérer comme intellectuel. 
Les persécutions ont également fortement touchées les milieux religieux (bouddhistes, musulmans et chrétiens) et les minorités (Krom, Thaïe, Lao). 

Les gardiens de la prison avaient entre 10 et 15 ans et étaient endoctrinés par l'Angkar (organe de direction du régime communiste du Kampuchéa) et souvent plus cruels que les adultes. Chacun appartenait à l'un des trois groupes : "gentils", "chauds" et "mordants". Si un prisonnier ne parlait pas au groupe des gentils, les chauds s'en occupaient puis les mordants. 

Dans la dernière salle se trouve un mémorial et les vitrines attenantes sont remplies d'ossements (dont des crânes) de détenus. Nous n'avons pas pris de photos, nous avons considéré que l'endroit ne s'y prêtait pas. 

On trouve à l'étage du dessus les portraits des principaux dirigeants du régime, Pol Pot, Nuon Chea, Ieng Sary, Khieu Samphan et Kang Kek Leu (alias "Duch") qui était le directeur de la prison S-21, anciennement professeur de maths. La plupart ont suivi des études en France, Pol Pot sera même membre du Parti Communiste Français. 

D'après les estimations les plus sérieuses, le régime de Pol Pot aurait causé, en moins de 4 ans, la mort de 1,7 millions de personnes soit 21 % de la population du Cambodge. 
La justice est lente à arrêter et juger ces dirigeants, le gouvernement cambodgien plaidant ne pas vouloir créer de tensions dans un pays encore instable. Ce n'est qu'à partir du milieu des années 2000 que certains responsables du Parti commencent à être inquiétés. A ce jour, seulement 5 dirigeants ont été inculpés pour crime contre l'humanité et crime de guerre, deux furent défendus par l'avocat français Jacques Verges. 

Après cette visite très instructive mais un peu plombante, nous décidons de marcher jusqu'à l'hôtel histoire de s'aérer un peu. En chemin, nous croisons par hasard Sophie et Elodie, les deux Françaises avec qui nous avions fait le Trek à Sapa ! Bien contents de les revoir, nous allons dîner au marché de nuit ensemble. Le principe est sympa, on choisit sur un grand étal ce que l'on veut manger (brochettes, beignets, nems, riz, pâtes...), l'on se déchausse pour aller s'assoir sur des grandes nattes et nous mangeons donc par terre en compagnie de touristes mais aussi de nombreux Cambodgiens. Après cet agréable repas et une rapide visite du marché, nous regagnons notre hôtel pour un repos bien mérité. 

Repas au marché


Le lendemain matin, nous commençons la journée par une agréable grasse matinée ! Après un petit déjeuner tardif, nous allons visiter le musée national des Beaux-Arts. Le bâtiment est magnifique et mérite à lui seul la venue. Il a été construit par les Français dans les années 1920, son style est fidèle à l'architecture traditionnelle khmère. Au centre du complexe, on trouve un très agréable patio avec 4 bassins et une statue de bouddha en son centre. Il y règne un calme et une sérénité appréciable dans cette grande ville.

Entrée du musée (où de jeunes enfants mendient) 


Statue de bouddha à l'intérieur du patio intérieur

Les oeuvres exposées sont presque exclusivement des sculptures. Elles ont été réalisées de la période pré-angorienne (VIe siècle) jusqu'au XXe siècle. La majorité des pièces proviennent des sites archéologiques d'Angkor et des alentours. Les photos sont malheureusement interdites à l'intérieur du musée. 
Nous essayons de nous y retrouver dans les dieux bouddhistes et hindouistes mais ce n'est vraiment pas évident. Heureusement, les explications sont claires et souvent en français, permettant de mieux comprendre une culture qui nous est totalement inconnue. 
Certaines pièces sont vraiment très finement travaillées et les visages sont très expressifs. Nous sommes contents d'avoir visité ce musée avant les temples d'Angkor, cela nous permettra de comprendre un peu mieux les sites. 



Une fois sortis du musée, nous traversons la rue et nous retrouvons au Palais royal. Sous ses airs de pagode ancienne, la plupart des bâtiments datent en fait de la fin du XIXe au début du XXe siècle. Il fut réalisé par des architectes Cambodgiens et Français à la demande des rois Norodom et Sisowath. Cet ensemble de construction s'étend sur un vaste espace coupé de la ville par de hautes murailles. Chaque structure est séparée de sa voisine par de grandes allées et de superbes parcs. Ici aussi, l'ambiance est calme et reposante (sauf quand un groupe de 20 personnes se ruent en même temps au même endroit...). 



Parmi les principaux bâtiments, nous visitons la salle du trône surplombée d'une flèche de 60 mètres de haut décorée d'un bouddha à 4 visages et mesurant 100 mètres de long. C'est ici que le roi était couronné, on y trouve encore son trône en or, de jolies fresques au plafond, des instruments (gongs, tambours) et un peu plus loin, les chambres royales. L'actuelle famille royale n'habite plus les lieux. 

Nous remarquons un grand nombre de bonzes, que cela soit à l'intérieur du palais ou dans la ville. Devenir bonze pendant quelques années est un bon moyen pour les jeunes d'avoir un logement et des repas assurés ainsi que de pouvoir apprendre à lire, à écrire et parfois à parler anglais.

Bonzes devant le Palais royal
Bonzes dans l'enceinte du Palais royal

Nous découvrons également le pavillon Pochani qui sert de salle de danse et de théâtre ;  le pavillon au clair de lune (Preah Tineang Chanchaya) qui servait pour les représentations de danses traditionnelles khmères mais actuellement fermé pour rénovation ; et le Palais Khémarin, ancienne résidence du roi.

Dans la seconde partie de la visite, nous entrons dans l'enceinte de la pagode d'Argent. C'est la plus luxueuse pagode de la capitale. On y accède par un escalier en marbre d'Italie. Il faut se déchausser avant d'entrer (comme dans tous les lieux sacrés) et, au sol, on marche sur des carreaux d'argent. Chaque carreau pèse 1 kg et il y en a 5 000 en tout ! Dans la principale pièce, de nombreux bouddhas sont exposés dont le fameux bouddha d'émeraude (qui est en fait en jade). Devant celui-ci trône un bouddha d'or, grandeur nature, pesant 90 kg et est incrusté de 2 086 diamants. 

A l'extérieur, sur l'esplanade, trois stupas royaux sont érigés et on trouve également une bibliothèque et une statue équestre qui, à l'origine, représentait Napoléon III. Seulement, sa tête a été coupée et à nouveau sculptée pour ressembler au roi Norodom avec assez peu de réussite. 

Nous finissons la visite par une série de petits musées où sont regroupés des meubles sculptés, des instruments de musiques, des statues d'éléphants (en argent et en or), des palanquins royaux... 

Pour la suite, nous décidons de remonter le quai le long du Bassac, c'est le nom du bras du Mékong baignant Phnom Phen. 

Après une quinzaine de minutes, nous arrivons à la pagode Wat Phnom. Il s'agit en fait d'un immense rond point avec, au milieu, une colline de 30 mètres entourée d'arbres. C'est le sanctuaire le plus ancien de la ville et la pagode est ornée de belles fresques. S'y trouve également un stupa contenant les cendres du roi fondateur de la ville. L'endroit est agréable et, en redescendant de la colline, nous croisons quelques singes qui se baladent d'arbres en arbres en attendant de la nourriture laissée par les passants. 

Après cette journée bien remplie, nous rentrons à l'hôtel où nous dînons et attendons notre pick-up. Comme prévu, il arrive à minuit et nous amène à la gare routière que nous quittons une demi-heure plus tard. 

Les couchettes sont grandes et le bus assez confortable, seul gros problème, la climatisation qui est à fond et qui nous fait grelotter toute la nuit. Après 7h passées dans un froid polaire, nous arrivons à notre prochaine destination : Battambang. 

A bientôt !

1 commentaire:

  1. Terrible visite du "musée du génocide".... Comme vous, on est content d'aller grignoter au marché puis de visiter les magnifiques temples colorés et joyeux.
    Très poignant et intéressant reportage ou l'on sent votre émotion à chaque mot.
    Bravo et merci une fois encore.
    Bisous émus.
    Annie
    Annie

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