dimanche 7 décembre 2014

Trek à Sapa

De retour à Sapa, nous consultons plusieurs agences afin de pouvoir comparer les itinéraires et les tarifs. Nous nous décidons pour une randonnée de 4 jours/3 nuits dans une région peu touristique. En effet, Sapa est devenue depuis quelques années une petite ville très réputée et c'est parfois jusqu'à 200 visiteurs que les bus déversent dans certains villages qui, du coup, en ont un peu perdu leur authenticité. Ces villages devenus des attractions touristiques sont situés dans le sud-est de Sapa, pour notre part, nous partons dès le lendemain mais dans la direction opposée. 

Le lendemain matin, nous déposons nos gros sacs à l'agence et ne gardons que le minimum dans nos petits sacs-à-dos. Nous faisons la connaissance de notre guide anglophone et de notre porteur, ils s'appellent respectivement Lam et Lom (ce n'est pas fait exprès ;-), ils font partie de l'ethnie des Hmong noirs. Nous rencontrons également Elodie et Sophie, deux françaises d'une vingtaine d'années et avec qui nous allons partager les deux premiers jours de trek. Nous voilà donc en route tous les six. 

Pour cette première journée, nous allons marcher 15 kilomètres mais sur un rythme tranquille et sans gros dénivelé. De plus, on a de la chance car le brouillard a laissé la place à des nuages hauts qui disparaîtrons dans l'après-midi. Le soleil nous accompagnera finalement sur toute la suite du trek, une vraie aubaine en cette fin d'automne, saison généralement très nuageuse.

Nous effectuons une petite heure de minibus pour rejoindre un petit village : Ta Phin. Ici se rendent de nombreux touristes qui ne restent qu'un jour dans les environs de Sapa et qui ne veulent pas visiter le sud-est ultra fréquenté. Du coup, pas encore descendus du minibus, c'est une quinzaine de femmes Hmong noirs qui frappent au carreau pour attirer notre attention en courant à côté du minibus. Nous ouvrons la porte mais avons du mal à se décider à sortir, un peu intimidés ! Finalement, elles ne sont pas agressives et veulent juste discuter un peu avec nous et nous vendre 2-3 bricoles. Une fois les offres déclinées, elles n'insistent pas et s'en retournent à leurs occupations. Étrange sensation tout de même, on se dit que l'on a bien fait de ne pas rester dans les lieux très (trop ?) touristiques. 

A la sortie du village, Lam s'arrête et nous demande si l'on aime la canne à sucre. Elle nous en coupe un morceau chacun que l'on mastiquera pour en faire sortir le jus sucré.  
Dès que nous nous éloignons du village, nous admirons nos premières rizières. Lam nous explique que chaque famille a une surface de terre qui normalement lui suffit pour vivre. Chaque famille a besoin d'au moins 300 kg de riz par an pour se nourrir convenablement. La production dépend des semences plantées, les familles plus riches qui ont plus de terre plantent généralement du riz vietnamien qui a rendement plus faible mais est meilleur gustativement que le riz chinois.


Riz en train de sécher
Début décembre, ce n'est pas la période où les rizières sont les plus belles car les parcelles sont presque toutes asséchées et le riz n'est pas encore planté. Cela ne nous empêche pas de trouver ces paysages superbes !

Dans cette région, c'est en février que les terrasses sont inondées et que le riz y est planté à la main. Ce travail est très pénible, de l'eau jusqu'à mi-mollet, cassé en deux toute la journée et gare aux serpents venimeux qui séjournent dans l'eau peu profonde des rizières. Cette eau permet de protéger les jeunes poussent du soleil et des insectes. En avril, les pousses sortent de l'eau et grandissent rapidement. En septembre, les terrasses sont asséchées, le riz jauni et c'est bientôt la période de la récolte. Le reste du temps, il faut entretenir, rénover ou construire les terrasses. 
Dans le nord du Vietnam, il n'y a qu'une récolte par an contre 2 à 3 récoltes dans certaines régions comme le delta du Mekong. Le Vietnam est le 3ème pays exportateur de riz dans le monde, derrière la Thaïlande et l'Inde mais devant la Chine ! En effet, si la Chine est le premier producteur mondial de riz, le marché intérieur est tel qu'elle est obligée d'en importer. 

Si la quasi-intégralité du travail s'effectue à la main, les paysans reçoivent tout de même l'aide des dociles buffles d'eau afin de retourner la terre.

Bébé buffle
La solidarité est forte dans ces communautés rurales et si une famille vient à manquer de riz, elle se fera aider par une autre. 

Après toutes ces explications, nous arrivons dans un village où une famille propose des bains aux plantes ayant des vertus médicinales.
Nous jetons un oeil mais ne nous arrêtons pas pour nous baigner car nous sommes à peine au début de notre route.


Puis nous marchons jusqu'à l'école. Une quinzaine de petits bouts de choux nous regardent intrigués. Certains nous font des grands coucous en nous disant "Hello Hello !", d'autres sont plutôt intimidés. Lam discute avec la maîtresse qui nous autorise à entrer et à prendre des photos. Les enfants sont tout content de se voir sur l'écran de nos appareils. Après une dizaine de minutes et pleins de "Bye Bye !", nous reprenons notre route.



Elodie montrant les photos qu'elle vient de prendre
Lam nous raconte qu'elle vivait dans un petit village reculé et qu'enfant, la première fois qu'elle a vu un occidental (un hollandais barbu et un peu hirsute en l'occurrence), elle a cru que c'était un tigre blanc ! Elle en a fait des cauchemars pendant longtemps. Il y a quelques années, elle a accompagné un Coréen dans un endroit reculé de cette région. Celui-ci avait un super appareil photo qu'il a oublié au bord de la rivière où il s'était baigné. Des enfants ont vu des images dessus, notamment des gens et ne comprenant pas comment ils s'étaient retrouvés dans cette boite, ils se sont acharnés sur l'appareil à coup de pierre... il l'a retrouvé mais en miettes. Autre anecdote, une fois des enfants ont trouvé une montre qui faisait altimètre, ne sachant comment l'utiliser, ni à quoi ça servait, ils essaient de la faire rouler par terre comme une voiture, et puis un guide voyant ça, leur explique ce que c'était et les enfants lui répondent "ça nous sert à rien, on a pas besoin de ça" et la balance dans le ravin. Ça nous a fait sourire, c'est vrai que si on se détache de notre regard occidental, à quoi tous ces objets matériels riment et pourquoi courir après le temps quand la principale préoccupation est de nourrir sa famille et que la vie est rythmée par les saisons des récoltes.

Nous continuons à travers un paysage de montagne couverte de rizières avec des torrents un peu partout, c'est splendide !






Nous traversons ensuite la bourgade de Ban Khoang où l'on prend le repas de midi. C'est simple mais très bon. Au menu, un grand pain à remplir avec tout ce que Lam a préparé : concombre, tomate, rondelles de porc, oeuf et même de la Vache qui Rit ! Pour finir le repas, il y a toujours un fruit (poire locale, banane, ananas) et c'est bien appréciable. Dans le village, on nous propose de goûter à un fruit, l'oeuf de serpent qui d'aspect, ressemble au litchi. Nous essayons, c'est acide comme du citron et, surpris, nous grimaçons. Cela fait bien rire les villageois qui nous en proposent d'autres !

Oeufs de serpent

Nous reprenons notre chemin et Lam nous raconte que son grand-père a été enrôlé de force dans l'armée française. Si ces populations ont été relativement épargnées par  les américains qui ne sont pas remontés aussi au nord, l'occupation française reste un réel traumatisme. 

En milieu d'après-midi, nous arrivons à Suöi Thàu, village peuplé de Dao rouges (prononcer "dzao") dans lequel nous allons passer la nuit. Les Dao composent l'un des principaux groupes ethniques du Nord-Ouest avec 650 000 individus. Ce peuple est venu de Chine il y a près de 300 ans. 
Leurs habits est d'une finesse et d'une complexité incroyable et les femmes se rasent le devant de la tête lors du mariage et portent le reste de leurs longs cheveux sur le haut de leur tête attachés par un turban rouge.
Pour plus d'informations sur les Dao rouges

Lam à droite portant la tenue traditionnelle des Hmong noirs
et une femme Dao rouge rencontrée sur la route
Maison traditionnelle Dao
Nous sommes accueillis par May et sa famille dans une grande maison. Une fois les présentations faites par l'intermédiaire de Lam, nous nous installons sur la petite terrasse pour se débarrasser de nos chaussures et prendre un thé. Lam et May ne se comprennent pas si elles parlent leur langue natale, elles sont donc obligées de converser en vietnamien.
May servant le thé
Pour le soir, bonne surprise car nous mangeons tous la même chose et à la même table. C'est Lam qui, aidé par May, et chose assez rare également par son mari, nous ont préparé un festin.



Durant le trek, la nourriture est transportée par Lom, notre porteur, sauf le riz et l'alcool de riz qui sont fournis par la famille, une façon d'accueillir les visiteurs. La tablée est superbe et le tout cuisiné uniquement au feu de bois. Après les frites en apéritif, il y a une quinzaine d'assiettes devant nous avec du porc, du poulet, du boeuf, du tofu, du choux, des nems... chacun pioche avec ses baguettes dans les plats. Comme accompagnement, nous avons chacun notre bol de riz dans la main.


On nous sert un petit verre d'alcool de riz (aïe) et le chef de famille nous fait un petit discours que Lam nous traduit en anglais. Il nous dit que c'est un honneur pour eux de nous accueillir et de partager ce repas avec nous, il espère que nous serons heureux chez eux et nous souhaite un agréable séjour au Vietnam et dans les montagnes du nord. On sent une réelle et touchante sincérité dans ces propos auxquels on ne sait que répondre à part "Cam on nhiêu", "merci beaucoup" en vietnamien. Puis nous trinquons "Chuc suc khoé !" (santé). L'usage veut que le plus jeune doit avoir son verre en dessous de l'aîné. Le premier verre se boit toujours cul sec et ensuite, on se serre la main ou bien les deux mains si l'on veut marquer son respect et son amitié. Nous apprendrons malheureusement tous ces codes seulement le lendemain. 
Après avoir bien et beaucoup mangé (Lam est une remarquable cuisinière) mais également généreusement bu, nous passons quelques moments autour du feu à regarder Lam et May broder pendant que nous discutons avec Sophie et Elodie qui sont très sympas.

Sophie et Sylvain
Elodie
May préparant ses fils à broder
Nous demandons à Lam si tous les repas sont comme cela, elle nous répond que non, c'est un repas de fête car nous sommes là mais que sinon, May et sa famille mangent beaucoup plus simplement. On se sent un peu gênés mais tant mieux si cela bénéficie aussi à la famille.
Nous regagnons ensuite notre chambre où nous dormons sur un vrai lit avec un véritable matelas de mousse alors que, souvent, les familles locales dorment juste sur de simples nattes tressées.

Le lendemain matin, Lam est encore à la popote et nous prépare des pancakes pour le petit déjeuner, la journée commence bien ! La grand-mère de la famille laisse quatre bracelets en évidence proche de notre table et nous demandons évidement à May si l'on peut lui acheter. La vente de broderie est une des rares façons pour les Dao de gagner un peu d'argent.

La maman de May en train de broder
Pour aujourd'hui, c'est 14 kilomètres de marche qui nous attendent mais, comme la veille, rien d'insurmontable. Après des adieux un peu émus avec May et sa famille, Lam nous dit qu'elle aimerait bien récupérer nos photos afin de pouvoir les développer et les donner à May. Nous acceptons évidemment avec grand plaisir. 
C'était une chouette expérience de dormir dans cette famille très chaleureuse où nous nous sommes sentis comme chez nous et vraiment bienvenus. Des moments simples, mais touchants et qui font toute la richesse de ce voyage.

Photo souvenir avec May, son mari et sa maman

La randonnée est aussi agréable que la veille. Les paysages de rizières nous émerveillent toujours autant, les enfants nous font des grands coucous depuis la cour de leur école et le temps est clément. 
Lam nous raconte un peu sa vie et nous explique qu'elle n'est jamais allée à l'école. Elle ne sait ni lire, ni écrire. Elle n'a donc jamais eu de cours pour apprendre l'anglais ou le vietnamien, elle n'a appris qu'en entendant les autres parler... Cela force le respect d'autant qu'elle parle mieux que nous qui en avons fait 7 ans à l'école ! 
Plus tard, elle nous raconte également les aventures de sa belle soeur qui a accouché en allant chercher du bois au sommet de la montagne. Elle s'est débrouillée toute seule et, de retour dans sa maison devant l'étonnement de sa famille qui lui demande ce qu'il s'est passé à la vue de son ventre plus plat a simplement dit : "Bah regarde dans le panier dans mon dos", là où elle avait mis le nouveau-né... Beaucoup de femmes montagnardes accouchent chez elles, aidées simplement par leur propre mère. L'hôpital reste trop loin et trop cher pour ces populations.

Un peu plus loin, nous croisons un camion qui tente de faire demi-tour sur une petite piste en terre au-dessus du précipice... impressionnant ! Le gouvernement finance et oblige les populations locales à construire de véritables routes afin de désenclaver certaines régions. De nombreux chemins sont donc en court d'aménagement, les choses semblent changer à toute vitesse dans cette partie du Vietnam.




Vers 14h, nous arrivons au village Hmong de Ta Giang Phin. Cette minorité vient du sud de la Chine et a émigré entre la fin du XVIIe et le début du XIXe siècle.
Un minibus attend Elodie et Sophie pour les ramener à Sapa, le trek est terminé pour elles mais nous espérons bien les retrouver un peu plus tard au court de notre voyage, au Laos peut-être.

Pour notre part, la découverte continue et nous passons devant la maison dans laquelle nous allons passer la nuit, Lam frappe à la porte mais personne ne répond.

Lam sous son ombrelle devant la maison, où sèche du riz (à droite)

Nous en profitons pour faire une petite visite d'une partie du village qui se trouve de l'autre côté de la rivière, derrière le pont. A la rivière, des jeunes nettoient précautionneusement leur moto, il n'y a presque aucune voiture ici car elles ne permettent pas de passer sur les nombreuses pistes de la région et restent très chères. La piste monte ensuite vers une école et en chemin, nous croisons de nombreuses personnes qui nous saluent et qui acceptent de se prêter au jeu des photos.




Une dame vient également voir Lam en lui disant qu'elle a très mal à la tête et aucun médicament pour le faire passer. Heureusement, nous avons un peu d'aspirine sur nous que nous lui offrons avec plaisir. 

Après cette promenade, nous allons nous tremper un peu dans la rivière sous l'oeil amusé et curieux des enfants qui s'approchent. Lam en profite pour sortir ce qui sera sa future nouvelle veste et se met à broder.

Lam au bord de la rivière en train de broder
Le soleil descend sur l'horizon et offre une belle lumière sur les pics de la montagne. En plein hiver, il est assez fréquent qu'il neige sur les sommets.




Après cette agréable pause, nous remontons jusqu'à notre hébergement. Il n'y a toujours personne pour nous ouvrir. Du coup, Lam va demander au voisin et c'est rapidement 5-6 habitants qui se mettent à discuter pour en savoir plus. En fait, la maison n'est pas fermée et nous nous apercevons que le propriétaire est fin saoul en train de roupiller ! La maison est confortable et il y a même l'eau chaude, Lam nous apprend que c'est une famille assez aisée et que l'homme qui ronfle est le maire du village et que sa femme est institutrice ! Nous en profitons pour prendre une petite douche pendant que Lam se met à la cuisine.

Comme la veille, de nombreux plats sont sur la table. La femme de la maison mange avec nous mais on ne ressent pas la même chaleur qui nous avait tant plu chez May. En fin de repas, son mari finit par se lever et s'excuse platement, nous souhaite la bienvenue avant de s'excuser à nouveau et de sortir... l'alcool de riz. Il est clairement mal vu de refuser mais au bout du 6-7 verres, nous déclinons tout de même. Il amène également un seau avec un peu d'eau et un morceau de bambou, il s'en sert comme pipe à eau. Si Lam nous explique qu'il y a des champs d'opium dans la région, c'est bien du tabac qu'il met dans sa pipe. Nous nous éclipsons de table pour monter à l'étage, là où se trouve la grande pièce qui ressemble à une mezzanine où nous allons passer la nuit avec Lam et Lom.

Notre grande chambre

Après un nouveau petit déjeuner composé de délicieux pancakes, nous reprenons la route pour une petite journée cette fois, 13 km mais avec peu de dénivelé. 
Quelques temps après nous être mis en route nous devons passer un petit gué à pied, ça fait du bien de se rafraîchir les pieds au passage sous le regard amusé des locaux.

Nous grimpons ensuite durant environ 2 heures avant d'amorcer la descente dans cette nouvelle vallée, Lam nous indique que la frontière chinoise n'est pas loin, juste derrière la première chaîne de montagne à l'horizon. 
Au col, elle nous demande si nous avons bien nos passeports. Un peu étonnés, nous lui demandons pourquoi. Elle nous explique que la police peut venir les demander et nous interroger sur la raison de notre venue. Elle nous dit qu'il faut leur répondre que nous sommes juste là pour marcher, admirer les montagnes et visiter les villages. En fait, le gouvernement se méfie particulièrement des nouveaux missionnaires catholiques. En effet, certaines personnes viennent dans ces villages reculés afin de faire du prosélytisme auprès des populations montagnardes qui sont très majoritairement bouddhistes. Dans le village où nous avons passé la nuit la veille, il y a seulement deux ans, à l'occasion du nouvel an bouddhiste, un groupe de fanatiques a débarqué avec des armes à feu et tué plusieurs personnes. 

La vallée est très verte, il y a des cours d'eau un peu partout et l'on distingue facilement plusieurs écoles. En effet, les bâtiments gouvernementaux ont toujours des murs jaunes et des toits rouges surmontés d'un drapeau vietnamien, les plus grandes de ces constructions dans les campagnes sont souvent des écoles.




Nous arrivons ensuite au village Hani de Nam Pung où nous allons passer la dernière nuit du trek.
Pour plus d'information sur les Hani
Chaque village n'est habité que par une seule minorité, la mixité est très rare car les différences entre ethnies sont profondes. A l'entrée du village, un système de canalisations en bambou alimente certaines maisons. Nous remarquons également de nombreuses installations où de l'eau vient remplir un tronc creusé. Quand celui-ci est trop lourd, le tronc bascule et se vide puis revient à se position initiale. En remontant, il écrase le riz situé en dessous, c'est en fait un pilon hydraulique, ingénieux !

Arrivée au village

Pilon hydraulique

Nous cassons la croûte chez notre famille d'accueil, avec comme les jours précédents, un gros pain à remplir nous même avec des crudités, du thon et du porc puis des fruits en dessert, c'est parfait. 
Puis nous continuons notre visite du village, de nombreux enfants nous font des grands coucous même si l'on fait peur à quelques uns. Deux des plus petits se mettent à hurler dès qu'on les regarde, certainement intimidés. Nous sommes à notre tour les gros tigres blancs. ;-)




Dans les ruelles, poules, chiens, chats, canards et cochons déambulent à la recherche de nourriture. Ce village est encore bien différent des deux premiers.




Nous rencontrons la famille qui nous accueille. Pour la première fois, nous ne mangerons et ne dormirons pas dans leur maison mais dans une petite maison qui sert également de remise en face, car leur maison est trop petite pour nous accueillir. Notre lit est à l'étage, le rez-de-chaussé étant réservé aux cochons. 
Les cochons sont une ressource importante, notamment pour les mariages, car la famille des mariés doit tuer une bonne vingtaine de cochons pour nourrir les convives.
S'ils n'en ont pas suffisamment, ils peuvent demander de l'aide aux gens de leur village où chaque cochon "prêté" est pesé et consigné dans un registre, certains sont énormes, dépassant les 100 kg. Le jour où la famille qui a avancé le cochon est dans le besoin, elle peut réclamer son cochon.
Les familles riches peuvent tuer jusqu'à une cinquantaine de cochons.
Chaque convive ramène aussi à manger. C'est pour cela que dans chaque village traversé, nous croisons de nombreux porcs, mais aussi parce que c'est l'une des viandes principales avec le poulet et le canard. 

Une fois nos affaires posées, nous allons jusqu'à la fontaine qui sert également de lavoir pour nous laver les jambes et les bras. Des femmes sont là en train de laver leur linge, de rincer des légumes ou de se faire un shampooing. Ils n'ont en effet pas l'eau courante.


La mère de famille en tenue traditionnelle Hani qui rapporte de l'eau à la maison

Une fois débarbouillés, nous retournons devant la maison où de jeunes femmes battent des branches de soja pour recueillir les graines qui serviront ensuite à faire le tofu, où un mari retourne des haricots qui sèchent au soleil à l'aide d'un grand râteau, où Lam a pris une machette pour couper les branches de bananier, le tout sous le regard d'une arrière-grand mère de 92 ans. Nous nous asseyons à côté de Lam et lui demandons ce qu'elle fait. En fait, elle coupe les branches en petits morceaux qui seront ensuite passés à la broyeuse pour servir de nourriture aux cochons. Nous l'aidons comme nous pouvons mais nous sommes bien moins efficaces qu'elle. En tout cas, notre maniement de la machette fait bien marrer les gamins !

Battage des graines de soja
Découpage des feuilles de babaniers pour les cochons

Sur le chemin devant la maison, des femmes passent avec des hottes remplies de bois, ils doivent peser des tonnes. Elles ne les portent pas seulement avec le dos mais aussi avec une large sangle qui fait le tour de leur front. Le bois est essentiel à la fois pour se chauffer mais aussi pour faire la cuisine, il n'y a pas de bouteille de gaz ici.

Femmes rapportant le bois

Le village est sans doute le plus pauvre que nous ayons vu mais malgré cela, chacun semble se débrouiller et manger à sa faim. Des petites filles se sont fabriqué un élastique de fortune et jouent à sauter par-dessus avec des bonds spectaculaires, des garçons dévalent la pente du village à toute vitesse sur leur tricycle en bambou, le temps semble s'être arrêté ici et peut-être que si nous avons la chance de revenir dans quelques années, rien n'aura changé.





Le soleil se couche et Lam nous appelle pour le dîner. Elle a encore préparé un festin que le fils du chef de famille vient partager avec nous. Il nous dit qu'il est honoré de notre présence et s'excuse de la simplicité de l'endroit dans lequel il nous accueille. Nous sommes un peu gênés et lui répondons que c'est parfait, nous avons un lit avec un matelas et une couverture, c'est largement suffisant. Une nouvelle fois, l'alcool de riz coule à flot.
Lam qui prépare le dîner
... avec le soutien de Lom qui a préalablement lavé,
épluché, découpé tous les ingrédients de notre dîner.
Et voici le résultat !
Le fils de la famille qui sert l'alcool de riz
Après le souper, il nous propose de venir dans la maison familiale pour boire le thé. 
Nous acceptons et c'est dans une ambiance sombre et enfumée par le feu de bois servant à la cuisine que nous rencontrons le chef de la famille. Il nous dit qu'il regrette de n'avoir pu manger avec nous mais il a beaucoup de difficultés à marcher, son pied est enflé à cause d'un tronc d'arbre qui est tombé dessus. Il nous montre et effectivement, il a un bel hématome et de l'oedème et cela depuis près d'une semaine. Nous regrettons de ne pas avoir des compresses et de l'alcool à lui donner pour essayer de le faire dégonfler. Il n'y a pas de pharmacie dans le village (ni de médecin), l'hôpital est loin et les médicaments sont chers. Nous lui conseillons tout de même de faire tremper son pied dans une bassine d'eau chaude et salée en espérant que cela l'aide un peu. 
En face de la porte d'entrée, comme dans chaque maison où nous sommes allés, il y a un certificat délivré annuellement par le gouvernement autorisant la famille à accueillir des étrangers. A côté, un portrait d'Ho Chi Minh, dont Lam nous dit que c'est un porte bonheur. Sous le même toit sont réunis quatre générations et chacun se prête au jeu des photos. Ils acceptent que nous les prenions et en échange, nous leur montrons les clichés sur l'écran de l'appareil que Lam fera développer. Le chef de famille, malgré son pied, nous fait l'honneur de mettre un beau costume.

Le chef de famille et son petit-fils
Sa femme et son petit-fils
Tous les quatre avec leur autre petit-fils
Peu après, nous allons nous coucher avec les couinements et les grognements des cochons comme berceuse ;-)

La cuisine à gauche, notre chambre à droite et celle de Lam au fond derrière la palissade
Notre chambre vue de l'extérieur avec l'abri des cochons en-dessous

Le lendemain, c'est déjà notre dernier jour et nous descendons vers le fond de la vallée. La végétation change et nous voyons d'autres cultures comme celle du thé et de l'artichaut. Ce dernier est facile à faire pousser et peut se revendre à bon prix, apportant un peu de liquidité à la famille. 
Au fond de la vallée, il y a un lac de barrage. C'est le cas dans beaucoup de vallées car c'est un moyen facile de produire de l'électricité, l'eau ne manquant jamais quelque soit la période de l'année. Nous arrivons en fin de matinée au village de Muong Hum, nous retrouvons des voitures, de l'agitation, du béton et tout ce qui va avec. Nous prenons un "pho bo" pour le déjeuner, c'est une soupe de nouilles avec des morceaux de boeuf. Nous faisons ensuite un petit tour du marché où un jeune homme me demande de le prendre en photo devant son étal dont il est très fier. Nous empruntons ensuite la route du retour sur laquelle nous marchons à la rencontre de notre minibus.

Barrage
Retour au village avec les canards en bord de rivière
Petit marché
Arrivée au mini-bus
Après 1h30 de marche sur cette piste à contempler une fois encore un décor majestueux, nous croisons le minibus dans lequel nous embarquons. 2h plus tard, nous sommes déjà de retour à Sapa et il est temps de dire au revoir à Lam et à Lom, ce dernier étant pressé de retrouver sa femme et ses deux fils. Il n'a pas l'habitude de partir 4 jours loin de la maison et l'on sent que cela n'a pas été évident pour lui. Nous prenons le temps de laisser des photos à Lam pour qu'elle puisse les faire développer et les donner aux familles lors de son prochain trek.

La grand-mère, la maman et son fils

Après une douche et un repas un peu précipités faute de temps, nous allons jusqu'à la gare routière. Nous y apprenons que notre bus pour Hanoï ne part plus à 20h30 mais à 22h... La société de bus n'a pas prévenu l'agence qui nous a réservé les billets, dommage, nous avions largement le temps de déguster notre excellent dîner. Nous nous installons tranquillement dans le bus puis, quelques minutes plus tard, une Vietnamienne de la compagnie se prenant pour un adjudant-chef se met à aboyer sur tout le monde. Elle déplace presque chaque personne du bus, sans autre raison apparente semble-t-il que celle de prouver son autorité. C'est la première personne aussi odieuse que nous croisons depuis notre arrivée en Asie et ce n'est pas très agréable. 
Les places du bas sont gardées en priorité pour les Vietnamiens, car lorsque les sièges sont tous occupés, ils rajoutent des matelas dans les allées pour faire rentrer encore un peu plus de monde. Du coup, il n'y a vraiment plus de place en bas, les gens sont collés serrés. Nous avons déjà du mal à faire passer nos épaules dans l'allée en temps normal, donc ça vous donne une petite idée du rez-de-chaussée. ;-)

Finalement, le bus partira un peu après 22h pour nous ramener dans la capitale. 

Ce trek a été un moment très fort de part la beauté des paysages et aussi (peut-être surtout) par les belles rencontres que nous y avons fait. Un mélange de simplicité, de gentillesse, de sincérité et de plaisir de partager avec l'autre. Ce fut une chance extraordinaire que de passer 4 jours loin du tourisme de masse (nous aurons croisé 4 touristes en tout et pour tout, uniquement le premier jour), sous le soleil et dans des endroits aussi exceptionnels. Notre séjour en Asie ne pouvait pas mieux continuer !

Album photo par ici

4 commentaires:

  1. De très belles rencontres loin des routes touristiques.....De beaux paysages, de belles personnes qui semblent sereines malgré une vie rude...Merci pour le partage, les explications et les photos encore superbes ! Quelle joie de visiter "avec vous". Bravo pour le maniement de la machette!
    bisous.
    Annie

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  2. Encore un long reportage sensible et émouvant ! SUPER continuez ainsi . Philippe

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  3. Une escapade qui méritait le détour comme on dit. Quelle belle expérience et leçon de vie de ces personnes loin de notre système de consommation et trop souvent artificiel. Votre reportage est très émouvant face à ces rencontres formidables et pleines d'échanges et d'humanité.
    Je vous souhaite de pouvoir nous faire partager encore d'aussi bons moments.
    Gros bisous.
    Didier

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  4. Wahou les photos sont magnifiques !! Maintenant que nous avons notre nouvel ordi (enfin!!) on va venir plus souvent faire un tour du cote de votre blog ;)

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