samedi 16 août 2014

Trujillo et Chiclayo

Coucou,

Nous sommes le 7 août et nous arrivons à Trujillo, ville de la cote nord du Pérou après une nuit dans le bus. Le taxi nous dépose devant notre pension, nous hésitons à sonner car il est 6h30 mais bon, on ne va pas rester dehors. Une petite grand-mère vient nous ouvrir en robe de chambre, nous souhaite la bienvenue et nous dit que nous sommes gentils car nous ne la réveillons pas à 4h30 comme le font certains touristes... Elle est vraiment adorable !

Le jour même, après avoir déposé une montagne d'affaires sales (et qui puent) à la laverie, nous prenons un minibus pour visiter les Huacas del Sol y de la Luna (temples). Nous commençons par le musée qui est récent et vraiment bien fait mais les photos sont interdites... Il retrace la construction des Huacas par les Mochicas (ou Moches) et expose de nombreuses céramiques, art dans lequel les Mochicas excellèrent. Les couleurs, la variété et la finesse des traits des personnages modelés démontrent une maîtrise impressionnante ! Chaque dessin sur les céramiques permet de retracer un peu de l'histoire et de l'organisation de ce peuple. Il y a même un canard guerrier qui nous fait bien rire ! Des moules ayant été utilisés pour faire les poteries sont également exposés.

Bien que tous les sites archéologiques aient étés abondamment pillés par les huaqueros (pilleurs de tombes), tous les objets ne sont pas tombés entre leurs mains.

On vous a déjà parlé des Mochicas, ce peuple du nord du Pérou occupant la région autour de Trujillo entre 100 et 800 après JC.

Après le musée, direction les Huacas. Seule la Huaca de la Luna se visite, l'autre est malheureusement à l'abandon, faute de moyen.

La Huaca del sol depuis la Huaca de la Luna
En effet, l'état péruvien a refusé de payer un centime pour aménager, entretenir et fouiller le site. Ce sont donc des fonds privés (donations notamment d'une grande marque de bière péruvienne) qui permettent au site de continuer à exister et une école d'archéologie a été créée en parallèle, les étudiants fouillant le site et servant également de guides. 

Ces "pyramides" sont impressionnantes et entièrement en brique d'adobe (terre) ce qui explique qu'elles aient "fondu" lors des pluies torrentielles pouvant durer plusieurs mois, provoquées par El nino (la dernière fois en 1998).

Pour la Huaca del Sol, près d'un tiers de l'édifice a disparu. On estime que pour le construire, il a fallu 140 millions de briques... On a du mal a imaginer que cela ait été bâti par l'homme, on dirait juste une grande colline. 


Notre guide est remonté ! Il en veut aux Incas et au Machu Pichu d'accaparer toute l'attention alors qu'il estime que certaines cultures (dont la Mochica) sont au moins aussi intéressantes. Il est fâché également contre les gringos qui arrivent avec une fausse vision hollywoodienne des cultures andines (peuples sanguinaires, guerriers, "barbares"), point de vue qui selon lui aurait été développé depuis la conquête afin de justifier cette "oeuvre de civilisation". Il est également en colère contre la religion chrétienne qui a substitué au Dieu mochica Ai-Apaec (dieu des éléments et représenté par des animaux) un Dieu que personne n'a vu, qui vient du Moyen-Orient et qui est représenté comme un gringo blond aux yeux bleus... (Bref, il est pas content !)

Le Dieu Ai-Apaec
Il nous explique que les noms "del sol" et "de la luna" sont pour le folklore. Ce sont les espagnols qui, voyant deux temples, ont décrété à tort qu'il y en avait forcément un pour la lune et un pour le soleil. En fait, il préfère les appeler Huacas de los Moches. Le temple "du soleil" est en fait le bâtiment administratif et celui "de la lune", le religieux. Entre les deux temples se trouvait une véritable ville avec ses différents quartiers. Les maisons à l'entrée du site ont été construites et peintes telles que devait l'être celles de la ville de l'époque.


C'est le temple de la lune que nous visitons et qui est un peu plus petit. Construit en plein désert, il a été agrandi 6 fois sur près de 6 siècles. Chaque nouvelle construction se superposait à l'ancienne et était plus large et plus haute. Aujourd'hui, le dernier niveau a presque complètement disparu. La structure fait 228 mètres par 136. Pour les archéologues, c'est un énorme travail car ils doivent dégager les temples couches après couches. 
Le Huaca est situé au pied du Cerro Blanco qui devient argenté lorsque la lune est pleine.


Certaines fresques ont été parfaitement préservées car recouvertes dès l'époque Moche. Elles sont impressionnantes de finesse et de couleurs, elles représentent le Dieu Ai-Apaec. 


En contournant le site, nous arrivons sur une partie qui a été entièrement dégagée et nous admirons les superbes frises qui composent les 5 niveaux restant sur 41 mètres de hauteur. Les couleurs sont encore présentes et l'ensemble est grandiose.


Chaque étage est composé d'un motif propre : les guerriers et les vaincus au premier niveau, les danseurs au-dessus, puis un animal mythique mi-araignée, mi-crabe, le Dieu de la pèche (nous sommes à 6 km de la mer) et enfin, un autre animal mi-serpent, mi-félin. Le dernier niveau qui n'est plus visible était composé de serpents, de lézards, du dieu de la montagne et de processions de guerriers.



Au pied du mur, on peut également observer la fresque des mythes où sont représentés tous les aspects du riche imaginaire Moche. 


Les Mochicas procédaient à des sacrifices humains tous les 30 à 40 ans lorsque survenaient des événements climatiques exceptionnels. Deux des plus forts guerriers étaient alors choisis, ils se combattaient dans le désert et le perdant, alors dénudé et attaché était condamné. Le sacrifice se déroulait en privé et seul le sang du défunt était présenté au peuple et versé sur le sol afin d'apaiser la terre. On pense que c'est suite à de longues et importantes inondations que les dirigeants moches ont perdu leur influence car incapables de calmer les Dieux, le peuple s'est alors détourné de leurs croyances causant la fin de l'union de la région. 

En attendant le bus pour rentrer à Trujillo, nous observons les gardiens des temples qui s'ébattent joyeusement ! Ces chiens sans poils (chien nu du Pérou) ou presque (certains ont une petite crête rousse sur le crâne) sont ici depuis la période Mochica et sont mêmes représentés sur certaines frises. Le gouvernement a décidé qu'il devait y en avoir un au moins par site. Ils sont parait-il très chers, endémiques du nord du Pérou et interdits à l'exportation... et très laids...


Après une bonne nuit, nous prenons un collectivo puis un taxi pour visiter une nouvelle série de constructions en adobe mais plus récentes car datant de la période Chimu, édifiées entre 850 et 1 500 après JC. 
Le premier temple est celui de Huaca Arco Iris ou temple du dragon (ou de l'arc-en-ciel). Construit au XIIe siècle, il est plutôt bien préservé malgré le passage del Nino en 1983 car il n'a été découvert que dans les années 60 et était enseveli auparavant. Il est situé au milieu des faubourgs de Trujillo. Un mur d'enceinte de 2 mètres d'épaisseur entoure un terrain de 3 000 m² où se trouve une structure sur 2 niveaux qui culminent à plus de 7 mètres de haut. Des motifs d'arcs-en-ciel sont répétés symbolisant la pluie et la vie, on pense que le temple était dédié à la fertilité.



De grandes structures carrées servaient à accueillir les offrandes.


Le second temple est la Huaca Esmeralda et a été découvert un plus tôt et a donc également subit les dégâts causés par El Nino de 1925... Afin de le conserver, du béton a été coulé par dessus les murs... on peut difficilement faire plus moche... On y trouve cependant des motifs relatifs à la mer comme des filets de pêche, des vagues, des poissons et des oiseaux. 



Nous visitons ensuite un musée assez vétuste et mal fait, le peu d'objets qui s'y trouvent ne sont pas mis en valeur. Une série de reconstitutions en carton-pâte grandeur nature donne une vague idée de ce qu'à pu être la vie sous les Chimus. Les touristes sont tous des Péruviens qui adorent ces reconstitutions et qui nous demandent s'ils peuvent nous prendre en photo devant avec leurs enfants... Ils pourront dire qu'ils ont vu des gringos, ça fait un peu drôle d'être l'attraction du musée ! 

Enfin, nous visitons le plus impressionnant site Chimu, la capitale Chan Chan. Construite vers 1 300, elle couvre 28 km² et était la plus grande ville précolombienne avec environ 60 000 habitants. Construite entièrement en adobe, elle a aussi subit les assauts répétés d'El Nino. Comptant 9 quartiers, nous ne visitons qu'une infime partie qui a été restaurée et aménagée : le palais Nik-An (ex-Tschudi). Après avoir franchi le mur d'enceinte de 4 mètres d'épaisseur, nous arrivons dans la cour des cérémonies où les frises sur les murs sont superbes et bien restaurées.



Le mur extérieur est également très beau avec un motif ondulant représentant les marées et surmonté par des poissons. Des oiseaux marins sont également représentés.


Nous entrons ensuite dans les salles d'audience dont on ne connaît pas bien la fonction. Les décorations murales sont sûrement les plus impressionnantes et les plus variées du site. On retrouve encore de nombreux motifs relatifs à l'océan.



Nous passons par une seconde cours de cérémonie pour atteindre une immense citerne qui servait à alimenter le palais royal.


Enfin, la visite se termine par une salle d'assemblée composée de 24 niches servant de sièges.



Nous sommes une fois de plus fascinés par la richesse culturelle de ce pays !

Après ces visites, direction la plage de Huanchaco ! Agréable petite cité balnéaire, elle est réputée pour ses spots de surf et ses bateaux traditionnels en roseaux : les caballitos de totoro qui servaient pour la pêche et aujourd'hui, surtout à promener les touristes ! Ces "radeaux" n'ont une durée de vie que de quelques mois et doivent donc être régulièrement refaits.



La plage est agréable et peuplée de nombreux oiseaux : pélicans, fous et cormorans se prélassent avec nous au soleil !




Après cette agréable promenade, nous poursuivons notre route vers le nord à Chiclayo (3 heures de bus). Nous en profitons pour déguster les spécialités locales : riz au canard et cabri en sauce, un délice !

A quelques kilomètres (Lambayeque) se situe un des plus beau musée du Pérou, le Museo Tumbas Reales de Sipan inauguré fin 2002.


Ici se trouvent regroupés tous les objets découverts dans les tombes de Sipan de la culture Mochica. Les objets de 3 tombes importantes sont exposés ici : celle du seigneur de Sipan, celle du vieux seigneur de Sipan et celle du Sacerdote (prêtre). Nous passons des heures à écarquiller les yeux devant tous ces trésors absolument sublimes et présentés dans l'ordre de leur découverte. Les photos ne sont pas permises mais vous pouvez allez faire un tour sur le site du musée pour vous donner une idée (Museo Tumbas Reales). Les mots manquent pour décrire ces splendeurs.

Le seigneur a été enterré avec tous ses bijoux et son entourage : son épouse "officielle", deux autres jeunes femmes, un garçon, un chef militaire, un porte étendard, deux gardes, deux chiens et un lama. Tous ont été sacrifiés à la mort du seigneur. Chaque objet semble plus somptueux que le précédent et le tout est très bien présenté : boucles d'oreilles d'or, d'argent et de turquoises, plastrons, colliers de milliers de perles en coquillages, couronnes, sandales... tout est finement travaillé et démontre la maîtrise exceptionnelle de la métallurgie et de l'orfèvrerie par les Moche. Les pièces ont été admirablement restaurées par une équipe allemande et péruvienne. 
La tombe du seigneur a été reconstituée afin d'avoir une idée de son organisation. Des vitrines exposent également une série d'objets récupérés aux États-Unis par la CIA dans les valises d'un ambassadeur du Panama et destinés à être vendus à des collectionneurs privés pour plus d'1,6 million de dollars. 
A la fin de la visite, une reconstitution animée grandeur nature donne l'impression de vivre à l'époque Mochica. 
Ce musée est vraiment exceptionnel et exemplaire dans la façon de présenter à la fois les objets, les différentes étapes des fouilles et le travail fastidieux des archéologues. Bref, on s'est régalé ! 

Nous quittons alors la cote pour nous diriger vers la selva après avoir traversé les Andes grâce à un bus de nuit. Prochaine étape, Chachapoyas et le peuple des nuages.

Album photo par ici

1 commentaire:

  1. Très belle nouvelle étape péruvienne à travers cette magnifique et passionnante culture Mochica ! Merci aussi pour le lien vers le musée. Contents d'avoir quitté le froid ?? ....
    Encore bravo pour votre belle énergie pour nous faire partager ces merveilles.
    Plein de bisous.
    Annie

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