dimanche 16 novembre 2014

Côtes est et sud

Nous trouvons un petit faré aménagé en plein centre-ville, c'est-à-dire au bord de l'eau et attenant au marché communal. Cela nous permet de sortir le réchaud et nos provisions pour préparer notre dînette à la lumière et de manière plus confortable. Nous choisissons de dormir dans la voiture, car il fait déjà nuit et le temps est menaçant, donc l'envie de monter la tente sous la pluie nous fait défaut. Et bien figurez vous qu'on dort très bien dans la 206, on n'avait encore jamais testé la voiture d'Elise pour ça et finalement, ça le fait bien. On a même moins mal au dos qu'en camping ;-)
En pleine nuit, la pluie s'invite effectivement à la fête et nous sommes obligés de quasiment fermer les fenêtres, du coup au petit matin le pare-brise est couvert de condensation, mais bon le soleil est de retour.
Les dames commencent à s'installer au marché communal, qui n'est pas plus grand qu'une petite habitation de plein-pied, elles y vendent leur cuisine maison, donc dans des quantités artisanales. Nous décidons d'acheter quelques produits locaux pour notre pique-nique : de la banane râpée cuite dans la feuille de banane, des filets de sardines à l'huile (hé oui ici aussi ils en mangent), du pain un peu brioché et des gâteaux (enfin des espèces de beignets à la fois gras et tout secs, il faut le faire quand même !).
Après le petit-déjeuner, nous montons jusqu'au point de vue d'où l'on peut observer la fameuse poule de Hienghène, c'est une roche karstique en forme de poule en train de couver et c'est assez flagrant, pas besoin d'avoir beaucoup d'imagination pour voir son bec, sa crête et sa queue en panache. Bon on a cherché les oeufs d'or, mais ils ont déjà dus être ramassés. ;-)


La poule
Elise en profite également pour réviser la confection d'assiettes en feuilles de cocotier, apprises à Fakarava avec Tiaré et Lindsey, afin de ne pas perdre la main. Après quelques tâtonnements le résultat est vraiment là. Nous continuons notre apprentissage de Robinson.
Atelier tressage d'assiette en feuilles de cocotier

Puis, nous décidons de reprendre le bac de Ouaième, cette fois-ci de jour, afin d'aller voir les chutes d'eau de Tao à proximité. La traversée ainsi que le point de vue sont assez agréables. Par contre, arrivés aux chutes, le sentier est fermé à cause de la pluie de cette nuit. Nous les verrons donc simplement du pont.

Bac de Ouaième

Chute de Tao
Nous rentrons donc à Hienghène pour nous installer au camping qui gère également le club de plongée avec qui nous aimerions sortir.
Le camping est très bien situé, en bord de mer avec beaucoup de verdure, cocotiers et autres essences locales et un grand faré qui abrite de grandes tablées.
Nous nous renseignons pour les plongées, car nous aimerions pouvoir plonger dès le lendemain, malheureusement cela n'est pas possible car cela tombe sur le jour de repos du moniteur. Et finalement, l'après-midi, Thierry, le gérant, nous dit qu'il a une de ses monitrice qui revient le lendemain et souhaiterait faire une dernière plongée avant de quitter la Nouvelle-Calédonie. Donc très bonne nouvelle pour nous, beaucoup moins pour le moniteur.
Le lendemain, c'est parti pour de nouvelles découvertes subaquatiques. Comme nous sommes en présence de 3 moniteurs, Sylvain y compris, nous allons plonger sur 2 superbes sites à 1h de navigation environ (ce qui est plutôt rare juste pour 2 clients, nous sommes veinards sur ce coup-là !).


La première plongée a lieu sur un récif qui est tabou, c'est-à-dire sacré pour les Kanaks, car il s'agit du passage des morts dont l'âme part rejoindre la mer. Il faut l'autorisation du chef de tribu pour avoir le droit d'y pénétrer. Le club est donc le seul à y être autorisé et n'y plonge qu'exceptionnellement.
Nous commençons notre immersion en passant sous deux magnifiques arches. Le site est vraiment fabuleux avec une grande diversité et richesse au niveau du corail qui est très coloré, il y a beaucoup de vie également. Baptiste, le moniteur, est content car en trois mois il a parcouru ce site qu'une ou deux fois. De plus, pour une fois, il peut descendre un peu et nous emmène jusqu'à 40m. L'eau est plus fraîche qu'en Polynésie, environ 23°C (contre 28-29°C), et nous apprécions bien d'être en combinaisons longues et plus épaisses. Nous ressortons ravis de cette première plongée.


Après une pause d'une heure, nous repartons sur un autre site à proximité et non moins original car c'est une succession de canyons et d'arches avec à nouveau de nombreux poissons. Le relief est vraiment très chouette ! Nous apprenons par Thierry, après la plongée, que l'équipe de tournage du film Océan (un de nos préférés) est venue ici pour capturer des images et que celles-ci apparaissent dans le film quelques secondes (nous avons hâte de le revoir une nouvelle fois du coup).





Après ces deux superbes plongées, nous déjeunons rapidement, car nous souhaitons profiter de notre après-midi pour aller faire du canoë sur la lagune juste à côté. Il s'agit d'un bras de mer qui rentre dans les terres mais avec des eaux très calmes. Le tout est entouré de mangrove et de roches karstiques. La vue est splendide ! Nous pagayons tranquillement en parcourant toute la lagune et faisons quelques pauses photos. Une petite balade de 2h fort agréable.



Pour regagner le camping par contre, il faut sortir les pagaies afin de franchir la barre de vagues qui rentrent devant la lagune. Mais avec Sylvain aux commandes, ça passe tout seul. Nous profitons de notre dernière soirée à Hienghène avant de mettre le cap plus au sud.

Le lendemain, nous continuons le long de la côte est jusqu'à Poindimié. Là, nous voyons une très belle case Kanak et nous avons de la chance car des membres de la tribu à qui elle appartient sont là et celle-ci est ouverte. Nous nous approchons timidement car nous aurions aimé prendre des photos de la case. Ici c'est avec beaucoup de respect que l'on accède aux sites Kanaks, souvent en demandant l'autorisation au chef de tribu. Et finalement, ce sont eux qui nous proposent de prendre des photos et surtout de rentrer à l'intérieur de la case. Ils se sont en fait réunis car l'artisan ayant réalisé la flèche destinée à orner le toit de la case est venu la livrer. Il y a deux magnifiques tiki (statues de bois représentant les esprits des ancêtres) qui ornent l'entrée et d'autres qui constituent les poteaux de soutient à l'intérieur.




La flèche est vraiment superbe, elle comporte évidemment un tiki surmonté du symbole Kanak.

Le sculpteur nous parle un peu de son travail et de ses oeuvres majeures dans la région de Bourail ou encore pour le Musée du Quai Branly à Paris.
Il nous raconte aussi qu'il a mis en place des ateliers pédagogiques pour continuer à transmettre et faire vivre, voir faire redécouvrir, la culture Kanak auprès des plus jeunes.
En effet, on sent un fossé avec la génération des 20-30 ans qui semble un peu perdue entre modernité et tradition, se réfugiant dans l'alcool et le cannabis. Auparavant, tout était organisé autour de la tribu où chacun avait des devoirs mais recevait en retour l'entraide collective. Par exemple, impossible que quelqu'un ait faim.
La société de consommation leur a créé des besoins qu'ils n'avaient pas auparavant et détraquant une société qui fonctionnait très bien toute seule et était auto-suffisante.

Puis nous retraversons l'île d'est en ouest afin de nous diriger vers Nouméa, passage obligé pour rejoindre la pointe à l'extrême sud.

Nous en profitons pour aller visiter le fort de Moindou qui était fermé lors de notre passage sur la côte ouest.



Ce fort bâti en 1871 à l'époque de Napoléon III servait de bagne pour les criminels envoyé de métropole. Il a remplacé celui de Cayenne où la mortalité était trop forte.
Il s'agissait d'un moyen de coloniser un peu plus ce territoire devenu français en 1853 car une fois leur peine accomplie, les bagnards étaient contraints de rester sur le territoire encore la même durée que leur peine pour les condamnations de moins de 8 ans. Au-delà, ils avaient l'obligation de rester à vie sur l'île.
Les bagnards étaient classés en 4 catégories, appartenant automatiquement à la 3ème à leur arrivée, ils pouvaient monter de catégorie grâce à "leur bon comportement".
Dans la 4ème étaient relégués les bagnards qui refusaient de se soumettre à la discipline.
Portes des celulles
Guillotine qui servait pour exécuter les condamnés à mort
Les bagnards appartenant à la 1ère catégorie pouvaient se voir attribuer un lopin de terre à exploiter en brousse. Ils avaient en contre-partie l'obligation de faire fructifier cette terre, tout d'abord en la défrichant puis en la cultivant ou en y développant l'élevage. Une partie de leur récolte revenait au bagne.
Les bagnards qui échouaient se voyaient retirer cette terre et retournaient au bagne. Ceux qui réussissaient devenaient propriétaires de la terre à l'issue de leur peine.

Afin de peupler davantage la Nouvelle (comme on l'appelait à l'époque), il fût décidé d'envoyer des femmes là-bas par plusieurs biais, proposer aux femmes de bagnards de rejoindre leurs époux avec leurs enfants s'ils en avaient, proposer à des femmes célibataires qui avaient été reprises pour récidive pour de petits larcins en métropole de venir prendre époux parmi les ex-bagnards, et enfin proposer à des célibataires volontaires (sûrement endurcies).
Ensuite, bagnards et femmes célibataires se rencontraient pour se choisir mutuellement.
Voilà d'où viennent les Caldoches et pourquoi se sont souvent de riches propriétaires terriens à présent.

Les terres ayant servies pour bâtir les différents bagnes en Nouvelle-Calédonie et celles attribuées aux anciens bagnards ont étaient saisies, sans leur accord évidemment, aux Kanaks.
Voyant leur territoire diminué au fil du temps et reclus de plus en plus sur les terres les plus pauvres, Ataï un chef de tribu décida de mener la révolte en 1878 contre cette colonisation invasive, d'autres tribus de la région de la Foa, Bourail et Canala se joignirent à lui, mais ils furent finalement matés au bout de quelques mois dans un véritable bain de sang (plus de 1 000 kanaks tués).
A l'issue de ce conflit, certaines de ces tribus ont totalement disparues, d'autres ont été dispersées. Les acteurs de cette rébellion furent expédiés au bagne de l'Île des Pins ou de Belep (île au nord).

Aujourd'hui la majorité des tribus Kanaks sont concentrées à l'est de l'île, là où il n'y pas de minerai à exploiter et où les pluies sont beaucoup plus fréquentes.
C'est aussi la partie la plus sauvage de l'île et la plus jolie finalement.
Les gens y semblent franchement accueillant et vous saluent dès qu'ils vous croisent, même si vous êtes en voiture.

Les exploitations minières sont nombreuses car la terre est parmi celles au monde où l'on trouve les plus fortes concentrations de nickel, c'est donc une terre très riche et lucrative (mais qui n'appartient quasiment plus aux Kanaks).
On sent donc un vrai clivage entre riches blancs de Nouméa ambiance Côte d'azur et Kanaks, beaucoup plus pauvres et davantage style reggae, dreadlocks, nature et traditions.

Nous sommes dimanche en fin d'après-midi et nous tombons dans les retours de week-ends vers Nouméa, nous n'auront jamais vu autant de voitures de notre séjour. Jusque là, nous étions quasiment tout seuls et croisions une voiture assez rarement.
Nous tournons près d'une heure dans la capitale afin de trouver notre chemin vers le cap sud, c'est-à-dire la ville de Yaté. Ici, ils sont un peu fâchés avec les panneaux de signalisation, donc on est super contents quand on en trouve un, jusqu'au prochain rond-point où là plus rien n'est indiqué et on choisi au hasard.
Le hasard nous promène donc un bon moment, mais nous finissons enfin par trouver notre route, et même avec le recul, pas évident du tout quand on n'est pas d'ici.
Il fait déjà nuit quand nous quittons Nouméa et là, une longue et sinueuse route de montagne nous attend.

Nous décidons de nous arrêter avant Yaté et au premier endroit où l'on peut camper. Ce sera à l'entrée du parc de la rivière bleue. Nous trouvons une table de pique-nique abritée bienvenue car il commence encore à pleuvoir. Donc ça sera à nouveau une nuit dans la voiture (pour le plus grand plaisir de notre dos ;-).
Au petit matin, on se rend compte que le parc est fermé le lundi, pas de chance, il faudra repasser. Nous avons un robinet d'eau à côté de notre table et en profitons pour faire notre toilette avant de repartir vers Yaté.
En chemin, nous nous arrêtons à deux points de vue situés aux alentours du col de Yaté. La vue est vraiment superbe et malgré le temps gris on distingue bien les contrastes entre le vert de la végétation et cette terre rouge ocre intense.



La ville, enfin le village de Yaté, présente peu d'intérêt. Juste une place centrale, enfin, un arbre qui sert de rond-point, une pompe à essence, une épicerie hors de prix et une église. Voilà, on a fini le tour de la place et du village par la même occasion.
Nous remontons ensuite vers le col pour aller voir le barrage d'où l'on voit la "forêt noyée", des troncs de chênes gommes, arbres imputrescibles qui sont toujours au milieu du lac car ils résistent à l'eau. Bon, en ce moment, ils ne sont pas vraiment noyés car le lac est quasiment à sec.






Nous nous rendons ensuite aux chutes de la Madeleine, un endroit très agréable situé en bord de rivière. Ils en ont fait depuis peu un endroit protégé avec tout un projet de plantations, de protection et de sensibilisation aux espèces endémiques car en raison d'une trop forte fréquentation, le site était en piteux état. Situé a à peine 1h de Nouméa, on comprend qu'il attire les foules en quête de nature le week-end.




Il est à présent interdit de s'y baigner mais le ticket d'entrée vous permet d'accéder à un endroit à proximité aménagé pour la baignade et le pique-nique, nous y passerons tout le reste de l'après-midi à l'ombre de notre faré.

La plate-forme pour se jeter à l'eau ;-)

Le faré pour le pique-nique
Il y a même des sanitaires donc nous en profitons pour prendre une vraie douche avant de repartir vers notre lieu de camping-voiture de la veille. Situé aux portes du parc, nous serons aux premières loges pour aller le visiter dès l'ouverture le lendemain.

Après une bonne nuit dans la chambre 206 ;-), nous attaquons la visite du parc. Une partie est accessible en voiture et pour l'autre un système de navette est mis en place pour vous amener jusqu'aux différentes sites.
Nous commençons par le site de la forêt noyée (pas noyée en ce moment ;-), puis celui du grand Kaori, un immense arbre dont le tronc atteint une circonférence de 2,70m, un sentier botanique décrit une petite boucle aux environs de l'arbre.

Forêt noyée
Le grand Kaori
(l'arbre pas le grand bonhomme en bleu et gris ;-)
Nous continuons notre chemin jusqu'à la boucle des 3 forêts sur le versant opposé, qui vous offre une vue panoramique sur la forêt avec au milieu le Kaori, tel un géant au milieu de Lilliputiens.


Nous finissons par une dernière boucle de 45 minutes à travers la forêt et jusqu'au pont germain d'où nous prenons la navette retour.



Vue sur la rivière bleue depuis le pont germain
Nous retournons ensuite sur Nouméa en faisant un crochet par chez Carole afin de nous alléger d'une bonne partie de nos affaires pour nos vols vers les îles car nous avons le droit qu'à 12 kg et avec le matériel de camping, ce n'est pas gagné d'avance. Ronald est là pour nous accueillir. Et là commence le jeu de la balance pour que tout rentre dans le poids imparti. Le temps file vite et nous devons encore aller laver la voiture avant de la rendre à l'aéroport, elle en a bien besoin ! Là, il est beaucoup plus facile de trouver l'aéroport, un premier panneau, un peu de chance et on aperçoit des avions, nous sommes sur la bonne piste ce coup-ci.
Dans 20 minutes, nous serons déjà sur l'île des Pins.

Tata

3 commentaires:

  1. Bonjour Elise, Sylvain. Riche descriptif. A la lecture nous y sommes avec vous. Encore ! Raconter nous encore ! Que de bonheur pour vous ! Portez vous bien. Amicalement. Thierry B.

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  3. Oui, nous y sommes. Beaucoup de sympathie pour les kanaks, leur histoire triste et leurs magnifique travail du bois.
    un peu angoissante la plongée dans les grottes ,non? ah bon.
    Encore plein de découvertes pour vous et donc pour nous.
    pensées et bises.

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