lundi 23 juin 2014

Potosi

Après ce rude mais extraordinaire périple, nous sautons dans un bus pour Potosi. Le mouvement de grève qui animait il y a peu Uyuni semble oublié, seule reste quelques routes bloquées par des montagnes de gravas.
Au bout de quelques heures de bus où nous restons cramponnés à nos sièges, le chauffeur conduisant comme un fou et les lamas étant peu affolés par les coups des klaxons répétés du bus, nous apercevons enfin le Cerro Rico culminant à 4 824 m !



Cette montagne qui surplombe Potosi est célèbre pour ses mines d'argent qui fit la richesse de la couronne d'Espagne durant près de deux siècles. Potosi, à l'époque coloniale, fut une des villes les plus peuplée au monde, près de 200 000 personnes vivait ici, à plus de 4 000 mètres d'altitude. Après avoir trouvé un sympathique hôtel avec deux superbes patios, nous faisons un petit tour en ville.



Le centre est très joli, de superbes maisons coloniales (type andalous) bordent des ruelles étroites et l'animation qui y règne rend cette cité fort plaisante. Le nombre d'église est incroyable, du temps de la splendeur de Potosi il y en avait jusqu'à 80...




Nous passons nos deux premiers jours à parcourir le marché central et à se remettre de notre excursion en 4x4, Elise en faisant la sieste et Sylvain regarde la coupe du monde ! Le marché est assez tentaculaire, au dédale des ruelles, les étales se succèdent, tantôt des fruits et légumes, tantôt des paniers en osier, tantôt de la viande (l'odeur est très écoeurante, la viande étant à l'air libre). Sur une petite place, nous apercevons un attroupement. Intrigués, nous nous rapprochons et apercevons un homme bolivien d'une trentaine d'années maniant un nunchaku. En fait, ce n'est pas un karateka mais l'équivalent de notre téléshopping ! Il nous propose tour à tour des vitamines pour devenir musclé comme lui, de la poudre pour les entorses quand on loupe une roulade avec démonstration à l'appui ou encore un fortifiant pour les femmes enceintes avec son bébé en plastique qui, effectivement, semble en pleine forme ! On a un peu l'impression d'être au théâtre, les gens rigolent, discutent mais personne n'achète ses produits miraculeux...

Encore en activité, nous voulons explorer les mines, mais celles-ci sont fermées le dimanche (jour de repos) et le guide nous conseille de ne pas y aller ce lundi car l'activité est très réduite. En effet, samedi a eu lieu une cérémonie où les mineurs sacrifient un lama à la Pachamama (terre-mère) pour s'attirer bonne fortune. Au cours du rituel, les hommes boivent du puro, alcool à 96° à 20 bolivianos le litre (soit 2€), du coup, ils dessaoulent jusqu'au lundi. 

Mardi matin, en route donc pour les mines avec une agence qui emploie des mineurs (ou ex-mineurs) comme guide. Nous sommes très (trop ?) nombreux à partir puisque le mini-bus est plein, 25 personnes environ. 
Premier arrêt au marché des mineurs. On y vend tout le matériel nécessaire, à savoir des vêtements, des pioches mais aussi de la coca, des explosifs et de l'alcool. Le guide nous propose d'acheter un petit sac composé d'un jus de fruit, d'un sachet de coca pour offrir aux travailleurs que nous croiserons. La dynamite est en vente libre, 2€ le bâton avec la mèche !


Deuxième arrêt dans un local où nous enfilons l'équipement nécessaire : une paire de bottes, de vieux vêtements qui ne craignent plus rien, un masque pour éviter de trop respirer de poussières et de produits toxiques et un casque équipé d'une lampe frontale. Nous voilà fin prêts. Nous visitons tout d'abord une usine de raffinement de minéraux (argent, zinc et plomb). Le minerai brut est broyé puis il décante dans des piscines avec des produits chimiques avant d'être séché dans de grands bassins.


Si les mines sont aujourd'hui moins riches qu'il y a quelques siècles, il reste cependant plus de 10 000 travailleurs que creusent chaque jour le Cerro Rico. 
Après cette visite, le guide nous donne les dernières indications avant de rentrer : ne rien toucher et bien s'écarter des rails lorsque qu'un wagon passe car chacun pèse plus d'une tonne.


Le parcours est de 3 kilomètres et nous allons traverser la montagne de part en part. Des petites maisons de fortune ont été construites proche de notre entrée, notre guide nous précise que les mineurs ne font que s'y reposer mais n'y vivent pas. 
Les premiers pas sont difficiles car nous pataugeons dans 20 cm de boue et la hauteur du plafond n'excède pas 1m20, le tout à 4 300 mètres d'altitude... Notre guide nous explique que les mines sont organisées en coopératives. Chaque mineur doit adhérer à une coopérative, il lui verse une partie de son salaire et elle lui assure en retour une petite couverture en cas de maladie ou d'accident. Un autre avantage est que si un mineur tombe sur un filon exceptionnellement riche, la majorité des bénéfices lui reviendra. En revanche, tous les travailleurs doivent acheter leurs propres équipements. Les coopératives sont dirigées par des mineurs, des socios qui ont versé un droit plus important que les autres. Tout mineur peut être exclu de la coopérative en cas de mauvais comportement (vol, bagarre, état d'ébriété trop fréquent...). 
Nous croisons plusieurs mineurs poussant des chariots remplis de minerais bruts, les joues déformées par les boules de coca qu'ils mâchent toute la journée et qui aident à supporter la faim, la fatigue et l'altitude. Le guide demande au plus jeune son âge, "j'ai 13 ans" répond-il... "et tu travailles depuis qu'elle heure ?", "J'ai commencé à 2h du matin."... (il est 12h lors de notre visite). Ce n'est pas un spectacle, c'est le quotidien infernal de ces gens, parfois des gamins.


Et puis notre guide nous explique un peu les conditions de travail qui sont dures, très dures. En effet, au-delà des efforts énormes, les mineurs respirent des poussières d'amiante, de sulfate de cuivre et de silice. La mortalité est très forte et 60 % des décès sont provoqués par la silicose, le reste étant dans des accidents (effondrements, explosions de dynamite mal contrôlées...). Il n'y a cependant pas de gaz explosifs dans la mine (car pas de charbon) mais certains mineurs sont retrouvés morts à cause de poches de monoxyde de carbone... "Chaque journée passée en bas, c'est une journée de moins à vivre en haut" raconte notre guide. Le métier de mineur s'exerce durant 15 à 20 ans maximum et rares sont ceux qui parviennent à travailler aussi longtemps dans de telles conditions. On estime que de la période coloniale à nos jours, entre 8 et 9 millions d'hommes sont morts dans les mines ou dans les ateliers de raffinage.

Nous avons l'impression qu'une sorte de "deal" a été passé avec les mineurs, les touristes peuvent les prendre en photos et en échange, ils reçoivent les quelques cadeaux que ces derniers ont apportés.
On est souvent mineur de père en fils et le guide nous dit que les mineurs gagnent bien leur vie malgré tout, près de 2 000 bolivianos par mois pour les débutants soit 200 €... le salaire moyen étant de 1 400 bolivianos. Et puis, chaque mineur entretient l'espoir de tomber sur un bon filon, "rendez-vous compte, il peut devenir l'homme le plus riche de la mine du jour au lendemain s'il a de la chance" s'enflamme notre guide et on sent qu'il y croit ou plutôt qu'il se persuade de quelque chose. Le revenu est uniquement lié à ce que trouve le mineur, s'il ne trouve rien pendant 1 mois, il ne gagnera rien.

Nous continuons notre "visite" un peu secoués par tout cela et essayons de suivre le rythme de marche tant bien que mal, la respiration est difficile et de nombreuses pauses sont nécessaires. Nous arrivons ensuite à "El Tio", c'est une grande statue du diable au pied de laquelle les mineurs déposent de nombreuses offrandes (coca, cigarettes, alcool).


Notre guide fait des voeux pour chacun d'entre nous, pour les couples, c'est d'avoir de nombreux enfants, pour les hommes seuls, c'est de passer la nuit avec 2 ou 3 filles et pour lui, qu'il y ait de nombreux touristes qui viennent visiter les mines pour lui éviter d'y retourner creuser. On le questionne alors sur le rôle des femmes, elles sont interdites dans les mines car elles portent malheur... en revanche, elles aident les hommes à la sortie de la mine si ils ont du mal à tenir le coup (fatigue ou ébriété). La société bolivienne semble assez machiste et les rôles sont partagés de façon assez hermétique.

Enfin, proches de la sortie, nous retrouvons une famille de mineurs très sympathiques, comme nous la présente notre guide. Malgré ce qui ressemble un peu à une mise en scène, nous discutons avec eux et ils nous expliquent comment ils déterminent où creuser, la façon de faire les explosions... Pour l'un d'entre eux, son salaire a permis à l'un de ses deux fils de partir étudier à Buenos Aires.


Nous sortons enfin de l'autre côté de la montagne, le parcours a été certes éprouvant mais personne ne s'en plaint, cela serait tellement déplacé. La visite est assez bouleversante et il reste difficile de se faire une idée du quotidien de ces mineurs qui, même lorsqu'il trouve un bon filon, se font parfois roulés par les compagnies de raffinage car parmi eux, peu savent lire et écrire. Nous pensons cependant que malgré tout, le tourisme permet à certains de ne plus y travailler et à ceux qui y travaillent encore de recevoir quelques petites présents (coca et boissons). Avant de quitter notre guide, nous lui parlons un peu du gouvernement (les élections sont en octobre). Il nous explique que tout le système politique est corrompu, que les mesures vont dans le bon sens (âge de la retraite abaissé de 55 à 51 ans pour les mineurs, interdiction du travail des moins de 18 ans, salaire minimum passé de 1 000 à 1 200 bolivianos) mais que personne ne fait appliquer ces nouvelles lois qui n'ont donc aucun effet sur leurs conditions de travail.
Nous quittons notre guide, un peu groguis et sous le choc.


Pour se remettre de nos émotions, nous visitons la Casa de la moneda, lieu où l'argent des mines était transformé en lingots et en pièces. Le bâtiment est superbe et les immenses machines en bois qui servaient à aplatira les barres d'argent pour pouvoir en faire des pièces de monnaie, très impressionnantes ! Dans un bâtiment est également exposé une reconstitution des fours où était raffiné l'argent.


Le soir, après un solide repas dans notre restaurant habituel, nous entendons une fanfare près de l'hôtel. Il s'agit de l'anniversaire d'une école de la ville, les élèves dansent, chantent et jouent de la musique. L'atmosphère est très festive et l'ambiance est vraiment bonne. Nous ne pensions pas pouvoir participer à une fête, nous ne savions pas encore que ce n'était que le début !!!


Le lendemain matin, direction Sucre pour notre prochaine étape dans l'ancienne capitale du pays et capitale administrative de nos jours.

Album photo par ici

6 commentaires:

  1. HELLO,
    Et bien qu'elle aventure.
    Pascal clermont et Serge pittela vous embrassent

    A PLUS

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  2. Quelle transition, en passant du rêve mais aussi à la réalité. Cet épisode incontournable fait aussi partie du regard sur le monde, comment ne pas souhaiter un monde meilleur pour tous !!!!

    Plein de bisous
    Moumoune

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  3. votre émotion arrive jusqu'à nous, les photos sont saisissantes de vie, bravo de nous montrer ces gens à travers vos regards tellement humains.
    continuez de nous faire partager cette belle aventure!
    gros bisous

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  4. j'ai oublié mon prénom, coucou c'est Annie au dessus!

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  5. Gros bisous a vous et continuez a profiter de ce regard sur le monde

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  6. Le livre est pour le moment passionnant, le style est bon, c'est bien écrit, les images parcourent mon (petit) esprit... je vais continuer à lire ! Vivement le prochain chapitre ! Je vous envie...

    Loïc

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